Raphaëlle, 47, policière

« Je ne peux pas faire autrement que d’être moi. »

Pour Raphaëlle, sergente-major à la Police Nyon Région, la transparence vis-à-vis de ses collègues et du public est fondamentale. Elle n’a jamais fait mystère de sa bisexualité et, il y a deux ans, quand elle commence à explorer sa féminité et à sortir dans la rue habillée en femme, elle décide de faire un coming out en tant que personne gender fluid auprès de ses collègues et de sa hiérarchie. Cela lui semble indispensable de le dire, car habitant dans la ville où elle travaille, elle veut pouvoir se sentir libre de s’habiller comme elle veut durant son temps libre, sans crainte de « fuites » à son sujet.

« J’en ai parlé ouvertement au travail. Je ne voulais pas risquer de me faire contrôler au volant, habillée en femme, par un collègue et que cela crée un malaise. »

Lorsqu’elle prend conscience de sa transidentité quelques mois plus tard, c’est donc très naturellement qu’elle décide d’en parler ouvertement au travail. A ce moment-là elle pense que sa transition prendra au moins deux ans et que, jusque-là, elle pourra continuer à travailler en tant qu’homme. Elle imagine donc que le fait d’annoncer sa transidentité est une marque d’honnêteté vis-à-vis de ses collègues et de sa hiérarchie, mais que cela n’aura pas de conséquences concrètes dans son travail. Sur le moment son coming out se passe plutôt bien, mais, comme c’est une première et que Raphaëlle ne formule aucune demande précise, la direction ne prend pas officiellement position et aucune mesure spécifique n’est prise.

Avec le temps, l’apparence de Raphaëlle se modifie peu à peu. Elle laisse pousser ses cheveux, sa silhouette change sous l’effet des hormones et des collègues l’informent que certaines personnes font des blagues dans son dos. L’atmosphère est en train de se détériorer. Environ 6 mois après son coming out transgenre, il devient nécessaire de recadrer les choses. Informée, la direction se montre à l’écoute et envoie une prise de position à tout_es les collabortrices et collaborateur, disant qu’elle soutient la démarche de Raphaëlle et en appelle à la conscience professionnelle et personnelle de chacun_e. Pour des raisons juridiques, Raphaëlle doit cependant continuer d’exercer sous son ancienne identité masculine tant que celle-ci n’a pas officiellement modifiée. Le changement officiel de prénom et d’état civil a heureusement lieu quelque mois plus tard et tous les changements (p.ex. nouvelle carte de police, …) sont alors effectués rapidement. Des arrangements qui puissent convenir à tout le monde sont aussi trouvés, par exemple en ajoutant un panneau « occupé » sur la porte des vestiaires et un verrou sur la porte de la douche ou en modifiant la composition des équipes afin que Raphaëlle, qui est cheffe d’une brigade de huit personnes, puisse travailler sereinement, avec des personnes à l’aise avec sa transidentité. Elle se sent soutenue par sa hiérarchie et sait que celle-ci serait de son côté si des problèmes devaient surgir. 

Les uniformes étant complètement unisexes (à l’exception du gilet pare-balles), Raphaëlle a eu au début de la difficulté à se percevoir en femme dans le cadre de son travail. Elle n’a pas l’impression que son quotidien professionnel ait été fondamentalement modifié suite à son coming out, mais elle est soulagée de ne plus avoir à craindre de se « trahir » par un maquillage, des boucles d’oreilles ou des ongles peints. 

Pour celle qui est, en Suisse, la première policière à faire une transition de genre en exercice, la visibilité est importante pour faire bouger les mentalités dans ce milieu composé majoritairement d’hommes et où beaucoup de personnes, surtout des hommes, n’osent même pas encore parler de leur homosexualité. Si la plupart de ses collègues se sont adaptés à la situation, certains officiers faisant même preuve de beaucoup de compréhension, par exemple en utilisant autant que possible les bons pronoms et accords avant que le changement ne soit officialisé, elle constate que c’est parfois encore un peu plus compliqué lors de séances avec d’autres corps de police, moins familiers avec les personnes trans. C’est pourquoi elle souhaite s’investir dans la sensibilisation des futurs policiers à cette thématique.

« Je suis contente de la situation actuelle, mais si c’était à refaire, je pense qu’il aurait fallu que la direction prenne position plus rapidement, sans attendre que la situation se détériore à cause du manque de clarté. »